Atelier Blaise
Coucou la revoilou...
Atelier Blaise écrit
Thème : Vous revoyez une ancienne connaissance.
« Qu’est-ce que je vais mettre ? » « Comment vais-je me coiffer ? » « J’ai grossi. Oh là ! Ils ne vont pas me reconnaître ! ».
La même boule au ventre que pour les jours du Bac. « Mais qu’est-ce qu’il m’a pris aussi de m’inscrire sur « copains d’avant » ? Et puis, est-ce qu’on était vraiment copains ? C’est bizarre quand même, j’ai l’impression d’avoir plus de copains du lycée aujourd’hui, que lorsque j’y étais. ».
Sabine était perplexe. Elle se sentait intimidée, excitée et surtout tremblante d’appréhension, depuis que Laurette l’avait appelée pour l’inviter à une soirée.
Tant que les « retrouvailles » se bornaient à quelques mails échangés, l’envoi de quelques photos de classe, et le fait de se casser la tête à retrouver le nom exact des gens qui y figuraient, tout semblait drôle et simple, cachée derrière l’écran. Mais, le coup de fil, suivi de l’invitation baptisée « anciens combattants », alors là, d’un seul coup, le goût du passé ressurgissait comme un relent de plaisir et d’aigreur mélangés après une bonne cuite. Cette conversation, somme toute banale de dix minutes au téléphone, avait déclenché chez Sabine une vague d’émotions juvéniles bien enfouies depuis longtemps. Se débarrasse-t-on de ses 16 ans à jamais ? L’acné peut-il revenir, comme ça, en une nuit ?
Les souvenirs l’envahissaient, la submergeaient, et affalée sur son lit, inconsciemment, comme « avant », elle commençait à se demander si son « oui, je viens, bien sûr, avec grand plaisir » n’allait pas lui coûter la migraine du siècle. Elle se sentait partager entre l’envie grandissante de tous les revoir, et celle pressante, de fuir à l’autre bout du pays, ne sachant si ce qu’elle redoutait le plus était la rencontre avec les autres ou le retour de sa propre adolescence. « Les miroirs ce n’est jamais bon » se dit-elle.
Sabine se concentrait. Deux petits jours pour se préparer. Malgré tout, l’excitation était bien là. « Deux jours, voyons, réfléchissons, coiffeur demain, nettoyage de peau, perdre 5 kgs d’ici demain matin, m’acheter un jean ». « Comment il s’appelait déjà le grand blond là ? Et elle, la Virginie, quelle garce quand même ! ». Les images du passé pourtant pas si lointain, mais tellement éloigné quand même, s’imposaient dans sa tête et avaient pris toute la place dans son cerveau. Impossible de se concentrer sur autre chose. Mais que vont-ils penser de moi ? Sabine perdait toute logique, tout son bon sens et surtout, surtout, son calme.
Plaisir, envie et peur furent donc ses invités ce soir là. Dans sa tête, son corps, son assiette et son lit. Impossible de se calmer. Pourquoi une simple invitation peut-elle engendrer tant de remous ? « Je n’ai pas envie de les revoir » se dit-elle à 3 h du matin. « C’est décidé, je n’irai pas » à 5. Et à 6, elle étudiait le plan de métro pour trouver le point de rendez-vous.
Sabine y est allée. Au moment de son arrivée, la porte était déjà grande ouverte. Elle était toute tremblante d’émotion et pas à l’aise du tout dans ses bottes neuves à grands talons.
Elle a entendu « Sabine ! Te voilà ! Tu n’as pas changé !». Le « tu n’as pas changé » l’a fait courir dans l’autre sens. Tout de suite. Vite. Tant d’années pour ne pas changer, elle ne pouvait l’entendre. Elle a couru, couru, les fuyant, puis décidé que non, finalement, non, personne ne toucherait à ses souvenirs. Même pas « copains d’avant ».
Toc, Toc, Toc
C’est ton passé
Non, Non, Non
Je n’en veux pas,
Boum, Boum, Boum
Ouvre-moi, je veux entrer
Vlan, Vlan, Vlan
Je suis très occupée
Tic Tac, Tic Tac
Je suis le temps qui passe
Beurk, Beurk, Beurk,
Va-t-en, je préfère le présent.
Isabelle Toros.