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LIREINE
12 avril 2011

Promenade

J’étais adossé à un poteau en béton. Plusieurs personnes se passaient une balle au pied, comme s’ils jouaient au foot. Nous étions dans une sorte de grand préau. Puis la balle vint s’échouer à mes pieds et je mis un grand coup de pied dedans. Tout en regardant la personne à qui je venais de l’envoyer je me rendis compte que j’étais au milieu d’une communauté de jeunes désœuvrés. Tous me regardèrent et je vis dans leur expression soudaine, de la haine, de l’accusation. Le petit bourgeois propre sur lui venait de taper dans leur balle. Ils étaient ensemble et je n’avais rien à faire là. J’étais dans leur monde, intrus, voleur, je n’avais pas les mêmes codes. Ma femme était restée dehors, à l’écart, regardant la vitrine des boutiques. Soudain, alors que je guettais leur réaction, je me fis agresser par l’un deux qui me reprocha d’avoir touché leur ballon. Je m’expliquai en m’excusant d’une part, et en essayant de lui faire comprendre, sans m’énerver, qu’il n’y avait aucun acte de violence de ma part dans ce geste. D’autres m’entourèrent, me bloquant la seule issue possible. Je voyais Nicole regarder la scène de loin, l’air inquiet. Un homme assez jeune, grand et puissant, se mit à déblatérer des propos inconséquents avec une voix de stentor.

-C’est comme cela que nos frères sont tués ! C’est à cause de toi ! Nos frères meurent partout dans le monde alors qu’ils ne font que jouer à la balle !!!!

Heureusement, il semblait être le seul à s’enflammer pour l’instant. Je pris à parti celui qui me regardait avec le regard le moins désapprobateur et lui demandais auprès de qui je devais m’excuser en toute sincérité afin de pouvoir quitter les lieux. Il me fit signe d’attendre et s’éloigna.

Les deux seules rues descendaient en ligne droite, sans beaucoup de passage, de sorte que m’enfuir était impossible, le champ de vision donnant beaucoup trop loin. J’aurais été repéré, puis poursuivi immédiatement. De plus, je sentais qu’ils n’attendaient qu’une faute de ma part, un mot déplacé, un geste, un regard insistant pour m’emmener… Dieu sait où ? Alors, partir en courant, m’enfuir aurait été pire que tout. En un rien de temps, je serai devenu l’assassin, le voleur, le violeur qu’il fallait abattre sur le champ.

Soudain, je me retrouvais seul près de mon poteau. Ils étaient tous partis suivre mon médiateur. Sans prétendre quitter les lieux, car je les sentais trop proches, même sans les voir, je me risquais à m’éloigner de quelques mètres, pour dire à Nicole de partir tout de suite ; on se retrouverait à la voiture… A peine avais je fini ma phrase, que j’entendis un brouhaha devant l’entrée du préau. Ils étaient une dizaine à scruter et à me chercher…

Nicole était perdu et ne savais plus quelle rue emprunter. Avant même qu’ils ne me voient, je levai la main en m’approchant d’eux et en criant ;

-Je suis là ! Je reviens ! Comme s’il s’agissait de vieux copains…

A peine ai-je fini ma phrase que je me retrouve encerclé par 3 bonshommes vociférant avec une agressivité non dissimulée. Je pense à Nicole. A-t-elle retrouvé la voiture ? A-t-elle repéré les lieux et appelé à l’aide ? Je suis saisi fermement et emporté sans ménagement, je ne reverrai plus jamais Nicole. Je suis sur un tabouret entouré de mes accusateurs. Je m’efforce de penser à Nicole pour me remplir la tête d’autres images que celles qui se déroulent autour de moi à l’instant présent. Si cette scène est vraie, c’est une lamentable erreur, une horrible méprise, tout va s’arranger rapidement. Ça ressemble à un mauvais rêve, une situation tellement hors du commun que je la sens irréelle, improbable. Je n’arrive même plus à me souvenir pourquoi et comment nous avons échoué ici. Sommes-nous venus faire des courses, ou voir quelqu’un ? Une gifle bien appuyée manque de me faire tomber du tabouret. Je n’en reviens pas ! Je veux me lever mais deux gaillards m’en empêchent en m’appuyant sur les épaules pour me faire asseoir. Je lève la tête et encaisse une seconde gifle par l’allumé aux incantations de derviche.

- Nos frères meurent dans le monde à cause de toi ; et j’en reçois une autre avant même de pouvoir parler. Je commence à saigner du nez. Il me tire par les cheveux, me renverse la tête en arrière et me crache au visage en hurlant presque :

-Tu saignes comme un porc ! Tu saignes parce que tu es un porc !

Il a les yeux injectés de sang, le visage simiesque avec les arcades proéminentes et les lèvres épaisses. Un regard de fou furieux, de dément. Les autres qui m’entourent ne bronchent pas. Plusieurs prient en égrenant les billes de leur chapelet. Je suis envahi d’une crainte incontrôlable ;  cette fois je suis dans la réalité. J’ai un mal de tête épouvantable. Les gifles sonnent de plus en plus fort, de plus en plus nombreuses. Il faut que j’arrive à parler. Ne pas me laisser traiter comme un animal. Soudain, j’arrive à puiser au fond de moi, très loin, très profondément, un cri, un hurlement articulé en deux syllabes distinctes :

-Pour-quoi ?

Ce cri, puissant malgré mon état, semble déstabiliser mon tortionnaire. Il est pris par surprise et les autres s’éveillent de leur coma religieux. Conscient de l’effet provoqué, je recommence avec la même force :

-Pourquoi ? Pourquoi ?

Ils se regardent et semblent, comme je le ressentais au début, ne plus savoir ou ils en sont ni pourquoi je suis là. Le dément me pousse du tabouret et recule en levant les bras au ciel et en récitant ce qu’il me semble être une prière plus qu’une exhortation. Je me relève et me dirige  vers la rue sans les regarder, ni réfléchir. Sortir d’ici au plus vite est ma seule préoccupation. Nicole est peut être dehors, avec la police ou des parents ? Je n’entends rien d’autre qu’un bourdonnement, une montée de voix et de cris derrière moi. Curieusement, sur l’oreiller il y avait une tache de sang, j’avais bien saigné du nez…comme un porc ?

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Commentaires
L
Purée me souvenais plus de celui là... Brrrr
P
Eh bien, je n'aimerais pas fréquenter tes rêves, à toi ! :o
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