Dictons, maximes, pensées et poésie
Léon Deubel (1879-1913)
Tombeau du poète
Par les sentiers abrupts où les fauves s'engagent
Sur un pic ébloui qui monte en geyser d'or,
Compagnon fabuleux de l'aigle et du condor,
Le poète nourrit sa tristesse sauvage.
A ses pieds, confondus dans un double servage,
Multipliant sans cesse un formidable effort,
Les Hommes, par instants, diffamaient son essor ;
Mais lui voyait au loin s'allumer des rivages.
Et nativement sourd à l'injure démente,
Assuré de savoir à quelle ivre Bacchante
Sera livrée un jour sa dépouille meurtrie ;
Laissant la foule aux liens d'un opaque sommeil,
Pour découvrir enfin l'azur de sa patrie
Il reprit le chemin blasphémé du soleil.
22 mars 1879, Belfort (Territoire de
Belfort) : naissance de Léon Deubel, poète.
Ses parents
voulaient à tous prix qu'il devînt commerçant dans l'épicerie de luxe,
une voie contre laquelle il se révolta très tôt et que, jusqu'au bout de
sa misère, il se refusa à emprunter.
Avec Rimbaud et Verlaine, plus tragiquement qu'eux encore, Léon
Deubel reste un poète maudit. Il se suicida en effet le 12 juin 1913, à
Maisons-Alfort, en se jetant dans la Marne.
C'était
pourtant lui qui, quelques années plus tôt, avait détourné son jeune
ami, Louis Pergaud, futur Prix Goncourt 1910 pour "De
Goupil
à Margot", de l'idée de mettre fin à une vie qu'il
estimait ratée.
Quand il apprit la terrible nouvelle, Pergaud mit
en chantier une première anthologie des poèmes de celui qu'il
considérait comme son maître en littérature, dont il avait connaissance.
Car il faut préciser que Deubel, avant de se suicider, avait
méthodiquement détruit tous les textes qu'il avait en sa possession ...